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Posts tagged ‘Theodore Monod’

De la biodiversité plein les dents

November 9th, 2009

Comment protéger la nature avec un dentifrice?
foret de verveine
1200 plantes différentes. c’est ce que nous avons relevé sur les 40 000 hectares où nous travaillons dans le Nord Ouest argentin. En 3 semaines. En réalité nous en avons trouvé un peu plus de 400; le botaniste sait qu’il ne voit pas tout. Lorsqu’il voit une plante dans un bout de nature qu’il arpente pour la première fois, il sait que pour chaque plante trouvée, il en loupe deux. En quelque sorte, un botaniste c’est un peu un modeste vantard.

1200 plantes c’est 1/5 des plantes européennes. 6000 plantes constituent la biodiversité de toute la France, l’Angleterre, la Belgique et l’Allemagne réunies. Sur ces 6000 plantes, peut être 2000 sont comestibles, 1000 sont excellentes. Dans un supermarché? vous en trouverez 27 à tout casser. Nature abondante et société de pénurie, culture de pauvreté?

Les cinq dernières années de sa vie, je retrouvait dés que possible, à la sortie de son bureau, Théodore Monod, le grand naturaliste disparu depuis. Nous allions taquiner l’absurde: toutes sortes de méduses, de crevettes et de crabes sur les quai de l’ile Saint Louis, quais de Seine, à Paris pour parler plante et liberté.

La biodiversité c’est une belle chose, alors on la protège. Un vrai bijou de famille que l’on met à la banque dans les tréfonds d’une ile au large d’Oslo : la Banque Globale des Semences du Svaalbard. “l’Arche de Noé de notre héritage biologique planétaire” annonce Jens Stoltenberg, le premier ministre norvégien. Quand on sait que les inventeurs des herbicides participent à ces expériences, où va donc se cacher la vie, la liberté?

Arche de Noé. Après nous le déluge. Pourtant vivre c’est évoluer. Si l’on retire ces graines de la vie à quoi bon. La meilleure façon de préserver la biodiversité n’est ce pas plutôt la reconnaitre, l’utiliser, la comprendre, la vivre?

1200 plantes dans un domaine qui élève 7000 têtes de bétail, ce n’est pas non plus la meilleure idée pour protéger la nature. Pourquoi les protéger d’ailleurs? Avant notre arrivée tout le monde ici ignorait ces plantes; elles gènent, le bétail ne les mange pas, elles poussent au milieu des cultures, elles envahissent les pâturages; “yuyus”, mauvaises herbes. Les plantes, le paysan, connait pas. La biodiversité fait peur, on la combat, on l’éradique pour avoir de beaux champs bien homogènes. La biodiversité? Qu’est ce que c’est? le plus grand choix de téléphones portables?

Seulement quand vous êtes à 3 heures de piste du premier supermarché, de la première pharmacie, comment vous faites? Il suffit d’une rivière en crue pour rester coincé. Eh bien on fait quand même tout venir de la ville, sauf la viande bien sûr. Si vous êtes malade, on attend que cela se passe.

Ici, c’était la terre des Indiens Calchaquis Diaguitas. En Argentine, c’est bien connu, il n’y a plus d’indien. Ceux qu’ont épargnés les blancs ont été rattrappés par la grippe. En 1621 le Duc de Palota se plaignait déjà auprès du roi d’Espagne du manque de main d’oeuvre, décimée par les épidémies amenées par les blancs.

Les indiens d’aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans leurs ancêtres. C’est pas chic d’être indien. C’est comme si tous venaient d’Espagne. Le blanc, la grippe, l’autre grande plaie que désignent toutes les fouilles archéologiques, c’est la carie, le mal de dent. Pas un crane précolombien n’a de dents saines. Quand les nouveaux propriétaires sont arrivés, il y a cinq ans, presque plus personne n’avait de dents. La priorité a été de faire venir un dentiste.

La grippe, les caries? Ici, on a toutes les plantes sous la main pour soigner. Mais personne ne les utilise plus. Un truc de vieille bonne femme, d’indien, pas de blouse blanche pour vous regarder dans la bouche, pas sérieux tout cela.

Heureusement les budgets de la recherche pharmaco ont chuté, la curiosité des gens s’est éveillée, Claude Levy Stauss est passé par là pour nous dire que les indigènes pouvaient avoir des culures aussi intéressantes que les notres… un sans culotte de l’esprit colonial.

Les Américains ont fait le blocus de Cuba. A la Havane, des médecins géniaux se sont retrouvés sans médicaments. Seul salut, la débrouille. Ils se sont retournés vers les savoirs alternatifs, les savoir anciens avec leur esprit scientifique. Comprendre les plantes et écouter les vieux herbalistes… un peu d’ethnobotanie, c’est passionnant : la rencontre de la botanique, de la médecine et de ses essais cliniques, de l’ethnologie des usages locaux des plantes. L’homme dans la nature. Tout un monde. Les plus brillants esprits d’Amérique du Sud ont emboité le pas dans les années 80 et aujourd’hui une grande révolution est en marche.

Les dents?
Il y a du maca pour les minéraux et les vitamines, et plein d’autres plantes pour renforcer les défenses immunitaires. L’amarante aussi, bourrée de calcium, de magnesium, de phosphore et en plus les éléments qui permettent de les fixer dans les os et les dents.

Les caries? Aloysia triphylla

Des gensives sensibles? le Bulnesia sarmentoi

La grippe? il y a le Berberis buxifolia (véricide des virus de la grippe A et B) et l’Eupatoire.

Un rhume? le Quebracho blanc, l’Acanthospermum hispidum, le Lomatia hirsuta, le Turnera afrodisiaca…, une toux? le Conyza bonariensis, le Geoffroea decorticans…

Attention, il faut savoir comment les utiliser. Au delà de la connaissance des familles de plante, il faut étudier la toxicité de chacune d’elles. Il ne faut pas prendre les plantes à la légère, si elles peuvent soigner, elles peuvent aussi tuer. Sans tomber dans une psychose à deux sous, mieux vaut s’adresser à un spécialiste.

Le but est ici d’avoir de quoi subvenir aux premiers soins. Etre plus indépendant de la ville. Faire comprendre la biodiversité, pour l’utiliser. Pour cela il faut nommer les plantes. C’est la première étape pour les protéger. Après? Donner les protocoles pour réaliser des teinture mères de celles qui sont les plus recherchées. La teinture mère permet de sortir les principes actifs choisis des plantes et de les conserver au mieux pour soigner.

Teintures mères, phytothérapie, l’Argentine pionnière mondiale du soja transgénique n’est pas le marché le plus porteur pour lancer une production rentable. Il faut penser à autre chose. Puis, en discutant avec l’adorable responsable édenté qui s’occupe du potager, sur les manières traditionnelles de macher la feuille de coca, il m’indique une plante qui remplaçait le bicarbonate de calcium pour faire précipiter l’alcaloïde. Voila, ça y est. Le bica c’est la base du dentifrice. S’il y a une source de bicarbonate mieux acceptée par l’homme, pourquoi ne pas l’utiliser pour faire du dentifrice? Le dentifrice c’est un produit utilisé tous les jours par tous, c’est peut être la solution à notre question.

Coups de téléphone, rendez-vous avec la marque la plus respectée de dentifrice d’Argentine. En parallèle, direction l’Université la plus proche, l’Université dentaire de Tucuman et la Fondation de recherche en botanique d’Argentine.
Les Argentins recherchent un dentifrice alternatif au fluor, que de nombreuses études scientifiques commencent à critiquer: excès de fluor, conséquences sur l’organisme humain et pollution de l’environnement.

Le deal est fait. Cinq formulations sont établies. L’Université et la Fondation l’étudient pour approuver et retoquer les concentrations, les contre-indications éventuelles. Nous sommes en passe de sortir le premier dentifrice bio issu du commerce équitable. Mais surtout le premier produit issu de l’ethnobotanique qui soit élaboré en collaboration avec les détenteurs de cette culture ancestrale validée et mise en oeuvre par la science moderne.

Tous à vos brosses à dents, grâce à vous 20 000 hectares vont rester sauvages, des hommes vont retrouver leur histoire et leur vérité spirituelle. La feuille de coca est le langage des Andes; c’est la base de tous les échanges entre les hommes et de tous les échanges des hommes avec les Dieux. C’est le ciment de ces civilisations depuis plus de 3000 ans.

Respect pour la vie

May 12th, 2009

Theodore Monod rencontre le Professeur Albert Schweitzer, l’ homme de Grunsbach en Suisse, l’homme de Lambarene en Afrique… le Professeur Schweitzer, et Pierre Teilhard de Chardin seront ses correspondants de toute la vie.

Theodore sera toujours étonné devant la vie; jamais il ne pensait qu’elle puisse être si forte tant le mal était pour lui une question insoluble. Theodore Monod tentait de penser le mal, la violence.

La dernière fois que je l’ai vu il m’a pris par le bras et me dit “97 ans, c’est obsène”, comme si la vie était plus forte, plus violente qu’il n’ait jamais pu l’imaginer. Teilhard la projetait dans le ciel, Albert à travers les hommes… Theodore dans la vie, action… la vie a ses limites… avait il vraiment réalisé ce que cela impliquait?

Son éternelle interrogation, une véritable question mystique, restera cette photographie; une photo aerienne du désert où les vents semblent venir de toutes parts : George dis moi d’où vient le vent? De partout Théodore.

La vie est là, dans cette photo de désert. Personne ne saura jamais… Révérence pour la vie.

Et moi je rentrais me plonger dans un thème de Theolomius Monk, epistrophy… après une ballade autour de l’Ile Saint Louis avec cet aveugle qui me désignait des méduses dans la Seine, des crevettes, des crabes…

Un jour nous somme allés à France télévision ensembles avec la productrice : une grande porte ouverte en verre sur le côté, tout le monde prend les portes battantes, theodore qui ne voit pas à 2cm nous prend les bras: “passez par là c’est ouvert…”

Il arrive un moment où vous avez tant aimé la nature que la vie vous parle et vous n’y pouvez plus rien.

Théodore Monod : “Tout a commencé dans la mer”

September 24th, 2008

Théodore Monod si connu pour sa connaissance intime du désert, détenait la chaire d’ichthyologie du Museum d’Histoire Naturelle… il était spécialiste de la vie des océans…

En fait il était spécialiste de tout et quand il a légué sa collection de livre de travail au Museum, elle faisait 12m3… on s’est amusé à compter ensemble : cela prendrait 120 ans à répertorier pour un stagiaire au 35h de travail réglementaire en France… Bon courage.

Monod l’Africain

September 24th, 2008

Théodore Monod a créé le premier centre multidisciplinaire sur l’Afrique, l’IFAN à Dakar. Lorsque le partage de l’Afrique a été réalisé, il avait préparé des cartes de chaque pays qui respectaient les différences ethniques et culturelles. Personne ne l’a écouté. De grands noms de la culture africaine ont été révélés par lui comme Amadou Hampate Ba, de grands cinéastes comme Jean Rouch…