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“2015, plus d’engrais chimique, plus de pesticide, plus d’herbicide…”

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Cette annonce n’est pas de moi… c’est de Terrena, la plus grosse coopérative agricole française, l’une des plus importantes utilisatrices de chimie pour l’agriculture au monde, aujourd’hui… A force de vouloir produire toujours plus avec des factures toujours plus grandes en produits chimiques, semences préparées et toujours plus d’allées et retours de tracteurs, les rendements dépassent la rentabilité; c’est sans compter avec le bon sens paysan qui semble revenir au galop.

Ce début d’année nous apporte une joie immense et un espoir réel quant au développement et à la sécurité alimentaire mondiale… même pour les plus pauvres.

Le principe des protocoles de cultures vivrières sans chimie que nous avons développés pour proposer une alternative durable à la culture du maïs transgénique en Argentine, puis pour le Maroc et l’Ethiopie, vient d’être validé par 2 autorités improbables : le laboratoire de Rothamsted Research pour l’agriculture, une référence mondiale, inventeur des principaux pesticides et herbicides employés couramment sur l’ensemble de la planète, et du goliath de l’agriculture française, la coopérative Terrena.

L’esprit de ces protocoles? Planter une communauté de plantes, mycelium et bactéries en même temps que la culture vivrière. Ces plantes vont lui permettre de se développer en apportant tout l’engrais nécessaire, tout en déployant des stratégies de protections continues contre les différent nuisibles et stress hydriques qui s’aggravent avec le réchauffement de la planète. Un semis direct et à la volée, sans labour, 10 jours avant la récolte précédente. Une folie quand on réfléchit à l’agriculture de grand papa, celle qui nous entoure, mais il faut essayer pour être vite convaincu.

La première autorité à venir apporter de l’eau à notre moulin, les brillants professeurs de Cambridge et le labo de Rothamsted, ont annoncé qu’il fallait désormais s’inspirer de la nature, prendre en compte la complémentarité des plantes pour fournir l’engrais et lutter contre les insectes nuisibles, pour doubler, jusqu’à sextupler même les rendements, selon les essais sur le terrain qu’ils ont menés au Kenya ces 6 derniers mois, par leur soins.

La seconde, la coopérative Terrena a tout simplement annoncé dans son rapport annuel : “en 2015, plus d’engrais chimique, plus de pesticide, plus d’herbicide” … “Lutter contre les maladies par le bio-contrôle en jouant sur des mécanismes naturels, le bio-contrôle qui permet de lutter efficacement contre des prédateurs ou maladies des cultures.” et de citer “en se basant sur les plantes, la microbiologie, les haies, le bois raméal fragmenté (BRF) et les mycelium… ”

Je ne m’en lasserait jamais. Quel beau rapport que celui de Terrena. 2010 commence bien.

On y entendrait presque les échos d’applaudissement de 400 millions d’année d’évolution et d’organisation mutuelle des plantes, avant que nous n’intervenions avec nos herbicides et insecticides, ces 40 dernières années.

Et maintenant j’y pense : heureusement que Copenhague a échoué… vive Copenhague.

C’est une boutade bien sûr. Mais imaginez que Copenhague ait marché. Parmi toutes les mesures, des fonds énormes auraient été débloqués pour répéter en Afrique le modèle d’agriculture en place en Europe, aux USA, au Japon depuis ces 2 dernières générations. Une catastrophe : 30% des émissions de gaz à effet de serre sont émis par cette agriculture; répéter ce modèle perdant à l’échelle de la planète aurait créé un désastre, une famine assurée.

Copenhague a bel et bien réussi car cet élan médiatique a provoqué dans la tête de certains chercheurs, le courage de rendre public des modèles différents. Et en agriculture, c’est dur d’avancer que les champignons, les vers de terre, les plantes compagnes et les bactéries… peuvent produire des récoltes records pour assurer la sécurité alimentaire. Un vers de terre cela n’a jamais financé une unité de recherche universitaire…

Nos décideurs ne connaissent pas encore l’existence de ces protocoles; personne ne les a encore mis au courant.

Une thèse vient d’être proposée à l’INRA (institut National de la Recherche Agronomique) sur la plantation de plusieurs espèces utiles complémentaires dans les cultures de maïs. Pas encore publiée. L’INRA Angers semble s’y intéresser, nous verrons ce que 2010 nous apporte; tous nos espoirs la soutiennent.

Cela fait longtemps que la chose est connue, mais jamais elle n’a été vraiment acceptée par les autorités agricoles. Vous imaginez plus de chimie? moins de matériel agricole lourd, moins de commerce pour les coopératives, moins d’endettement de paysan, moins d’investissements pour le crédit agricole…

Le modèle en vogue est plutôt du côté de Jacques Attali, conseiller du Président français Sarkosy, ancien conseiller du Président Mitterrand : “Nous n’avons pas pour l’instant, accepté d’utiliser les OGM. Les produit qui sont utilisés pour la nourriture animale vont devenir extraordinairement couteux, donc nous aurons à prendre la décision pour savoir si nous acceptons, comme tout le monde, les OGM, ou si on les refuse et alors prendre sur nous, si nous allons avoir une hausse très massive du coût de notre alimentation.” Désolé pour la prose, c’est ainsi que l’homme s’exprime.

Mr Attali ignore peut être que la France est déjà le premier importateur de soja transgénique brésilien pour nourrir ses vaches? Il a peut être zappé cet article du Time magazine qui démontre comment élever des vaches à l’herbe peut sauver la planète. Car rappelons le une fois de plus : la vache mange de l’herbe, pas du maïs et encore moins du soja; un thême récurrent de ce blog.

Jacques Attali, pour moi, c’est “Mr. tracteur” : partout où il passe, il ne cesse de prêcher la distribution des tracteurs au monde entier, qui pourront épandre les herbicides pour lesquels ont été modifiées les semences OGM américaines à planter, “comme tout le monde”, Oups… n’oublions pas que les français sont 3ème dans la partie, mais loin derrière en volume à leur grand damne.

En réfléchissant un peu, il est incroyable d’avoir convaincu des paysans plein de bon sens, de mettre des herbicides, qui tuent les plantes, pour augmenter les récoltes de plante. Les gens qui ont fait cela sont des génies du commerce, n’est ce pas? Bravo.

70% des OGM ont été créés pour résister à ces herbicides; donc pour vendre toujours plus d’herbicide.
Le reste a été modifié pour intégrer le Bacille de Thuringe BT, un micro organisme qui tue les coléoptères. Seulement le coléoptère peut évoluer (vous vous rappelez Darwin?) et devenir résistant au BT. C’est un peu ce qui s’est passé en Inde, où depuis 2006 plus de 200 000 paysans indiens se sont endettés pour acheter des semences BT dont les récoltes n’ont pas poussé ou ont été dévorées par les nuisibles. 200 000 paysans se sont suicidés.

Cherchez l’erreur, comme disait l’ami Coluche.

Les abeilles… en France, en Angleterre, en Espagne, au Maroc, 2/3 de la population d’abeilles de 2003 sont mortes ces 3 dernières années. On a désigné coupables les nouveaux pesticides mis en action à ce moment, normal ils sont créés pour tuer les insectes. L’INRA, notre veille nationale agricole, doute encore. A travers l’Association Française pour l’Information Scientifique et son journal de Janvier-Mars 2010 “Sciences et Pseudo Sciences“, le doute est entretenu sur le rôle de ces insecticides dans la mort des abeilles (qui sont des insectes, il est utile de le rappeler). La solution proposée? Les OGM BT, modifiés au Bacille de Thuringe. Mais monsieur le scientifique : si tous les agriculteurs se suicident, à quoi serviront les scientifiques pour l’agriculture?

La patate : un exemple récent de Leeds University. Ils ont fait une pomme de terre modifiée pour résister aux nématodes. Des vers microscopiques qui vivent depuis des millions d’années au contact des pommes de terre.
Lorsque l’on plante dans le même endroit des pommes de terre de types différents, la pomme de terre attaquée annonce aux autres le danger , qui aussitôt provoquent l’invasion de micro organismes bénéfiques qui font disparaitre le problème. Si il y a des pommes de terre infectées de nématodes encore aujourd’hui, c’est du à la manière de cultiver et rien d’autre. Seulement si on les modifie, on leur enlève un savoir faire pour se défendre aquis par une longue évolution. Quel intérêt?

Là c’est trés grave. je prends mon chapeau de co-créateur du projet “t’ikapapa” au Pérou, “fleur de patate” en quechua, qui a remis en production plus de 320 variétés de pommes de terre, en assurant à 8000 petits producteurs des Andes la distribution dans les supermarché Wong, c’est à dire là où l’élite politico économique du Pérou fait ses courses, là où l’on peut se permettre de payer un bon prix pour une pomme de terre extraordinaire. Notre Projet a reçu la médaille d’or 2006 de la FAO (Food and Agriculture Organisation), le SEED AWARD des Nations Unies 2007 et le BBC WORLD CHALLENGE FOR DEVELOPMENT 2007.

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Dans les Andes, la patate sauvage pousse dans un mulch de tagettes, tagetes minuta, une plante anti nématode. Là vous la voyez telle que l’on peut la trouver dans la nature, en enlevant juste les herbes sèches qui la recouvre en surface et parfois à peine à 2cm sous le sol. L’huile essentielle de tagette empêche le développement de ces vers microscopiques et provoque la présence de ses prédateurs.

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C’est trés simple, quand on est sur un terrain propice à la patate sauvage dans les Andes, un terrain alluvionaire sabloneux, prés d’une rivière recouvert de tagettes minuta sèches, il faut se baisser et gratter le sol, la patate est généralement là. Pour être sûr d’en trouver il vaut mieux avoir observé l’été précédent les belles fleurs de patates et les fleurs oranges de tagettes plus tardives.

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Là, nous sommes dans le biotope originel de la patate. Tagette minuta et pomme de terre ont scellé une alliance millionnaire. Les étudiants de Leeds, en sont encore à tenter de greffer un gène étranger dans le corps de la pomme de terre. Un bon séjour sur le terrain leur ferait le plus grand bien, car la solution à leur problème existe déjà.

C’est un peu inventer le fil à couper le beurre et dépenser l’argent du contribuable pour résoudre des problèmes qui sont déjà résolus. C’est à peu prêt la réponse de Soil Association, la plus ancienne et respectée association de défense de la nature et de l’agriculture bio anglaise.

Le gouvernement britannique a annoncé le 19 Juillet dernier qu’il enverrait une aide de 100millions de livres en cultures transgéniques pour le bétail en Afrique et entre temps le Times rapporte comment on peut sauver la planète en faisant manger de l’herbe au bétail… Et nos écologistes? Pour n’en citer qu’un : pour compenser votre carbone, la fondation Action Carbone de Yann Arthus Bertrand plante 200 hectares d’eucalyptus au Chili en terre des indiens Mapuche, alors qu’il décrit à juste titre cette culture comme destructive dans son film. Sur son site, comme premier exemple d’action écologique, il montre comment il apprend à enfouir du carbone dans le sol en Inde, ce qui provoquera à terme la destruction de leur sol et une diminution de leurs récoltes vivrières.

Un sol est vivant. Trop de charbon enfoui dans le sol se transformera en charbon fossile, incommestible pour les bactéries du sol, peu à peu elles mourront et le sol ne remplira plus son rôle d’échange d’eau et de minéraux pour les plantes. Le premier signe est l’apparition de Tanaisie une plante indicatrice du carbone fossile.

Alors tout compte fait, c’est bien que Copenhague ne soit pas passé, car nous ne sommes pas encore prêts.
Jetez un oeil sur le dernier salon de l’agriculture de Kaboul, cela donne froid dans le dos.

Le manque d’argent en Afrique provoquera peut être plus de réflexions avant d’agir. Avec moins de moyen peut être se retournera-t-on vers la botanique, la sociologie des plantes, la microbiologie cellulaire, la mycologie… toutes ces sciences qui nous apprennent comment vit la nature. Une fois que l’on aura compris on pourra réellement augmenter nos chances de nourrir la planète. Alors il vaut mieux repousser Copenhague à 2015.

Mais entretemps il faut agir pour multiplier les bons résultats et prouver l’intérêt de ces recherches: les prochains projets de l’équipe SOS SOiL sont au Maroc et en Ethiopie. Il est question de former les paysans à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan… mais pour l’instant cela se poursuivra à travers internet.

Peut être que si Copenhague était passé, les crédits auraient été suffisants pour lancer là aussi les OGM et arrêter nos effort de développements de cultures intensives avec une meilleure appréhension des richesses de la nature . Comme le Foreign Office britannique qui, à titre d’aide aux pays pauvres, a offert en Juillet 100 millions de Livres Sterling à l’Afrique pour produire les OGM qui sont interdits en Europe.

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